Après un départ intempestif et inopportun, évitez de hausser les épaules et de piquer un fard. au contraire, prenez la posture d’un grand chanteur lyrique et continuez.Quand les collègues de pupitre entreront à leur tour, esquissez une retraite discrète et raccrochez votre wagon en queue de train. On ne sait jamais, sur un malentendu ça peut passer, spécialement s’il s’agit d’une oeuvre récente. A l’oreille du public, cela passera pour une bizarrerie d’écriture. Aussi évitez les consonnes trop marquées. Les “s” et les “t” de la langue allemande sont rédhibitoires. Mal synchronisés, on pensera à une fuite de gaz ou à une rafale de fusil mitrailleur. Le chef remarquera vos consonnes, pas vos voyelles. Tenez-vous en à ces dernières. Enfin, lorsqu’il ne restera plus qu’une page à tourner, amorcez un retour sur le devant du pupitre, prenez de l’assurance. A ce moment là, les paroles ne seront plus un problème. Dans le cas d’une pièce de musique religieuse, ce sera souvent “Amen” sur trois pages. Chantez plus fort, et si possible par cœur (s’il y a une page à apprendre par cœur, c’est la dernière), de sorte que le public garde de vous l’image finale d’un choriste transcendé, chantant à gorge déployées, le visage luisant de sueur, détaché de sa partition et en parfaite symbiose avec son chef, vu de dos. L’instant d’après, une expression de béatitude, le sentiment du devoir accompli pourront se lire sur votre visage apaisé.