1 OCTOBRE 2015
(modif. 2019-10-11 15:40:55)
Le cocuage est le volet festif, symbolique et mythique de l’adultère. A la fin du Moyen Age et à la Renaissance, il occupe une place considérable dans les fêtes, les chansons, le théâtre et la littérature –des fabliaux aux nouvelles françaises et italiennes. En Occident, le cocu est un grand personnage de la fête et des rites populaires. En particulier, il est étroitement associé aux festivités du carnaval. Le cocu possède plusieurs visages. Il apparaît comme une sorte de divinité associée aux rites printaniers de fécondité. Mais c’est aussi une figure tutélaire du compagnonnage : les « bons compagnons », qui pratiquent une sexualité débridée (prostitution, adultère…), forment une mythique confrérie masculine. La femme, partagée, sert de médiatrice entre des mâles qui ne rêvent que de se passer d’elle…
Le principal paradoxe qui sous-tend la culture de la Renaissance est que l’on condamne fermement l’adultère tout en le mettant en scène pour s’en amuser : à une époque où la femme peut être enfermée à vie pour cause d’infidélité (peine dite de « l’authentique »), le cocuage est le premier thème de divertissement.
D’autres paradoxes viennent renforcer le sentiment d’étrangeté qui assaille l’historien de l’adultère et du cocuage :
- Deux images contraires de la femme coexistent dans la culture de la Renaissance : celle que présentent les archives de la criminalité et de la famille (une femme traitée en mineure, dominée, exploitée, surveillée par le père, les frères et le mari, tous attachés à son honneur et sa fidélité) contraste avec celle que renvoient la littérature, le théâtre et les fêtes (une femme libre, entreprenante et sans vergogne, qui cocufie systématiquement le mari).
- Seules les femmes sont accusées d’adultère, alors que ce sont les hommes qui s’y adonnent ouvertement. Pourquoi ne s’amuse-t-on pas des mille et une manières qu’ont les hommes de tromper leur femme en en séduisant une autre ?
- Il en résulte que seuls les hommes peuvent être cocus. Or les hommes se réservant toujours la meilleure part, il en résulte que ce déshonneur doit être considéré comme un privilège dont les femmes sont écartées : les hommes se réservent la dignité de cocu.
Partition : Certon – Je ne lose dire
Fichiers audio : UAICF Corbeil