Des couteaux du XVIe siècle gravés avec des partitions musicales

3 SEPTEMBRE 2017

Le regard de l’historien est toujours assez perspicace pour faire valoir l’importance et la crucialité d’une époque – d’un millénaire, d’un siècle, ou même de l’événement de quelques jours. Il est résolument insensé de croire que la contemplation des siècles passés s’ordonne en pensée historique dès que l’on y a découpé des “tranches” temporelles, et communément arbitraire de déclarer que le monde a évolué sous l’incidence plus marquée de certaines d’entre elles. Il ne faut pas pour autant s’imaginer que toute démarche historique se fonde sur la négation d’un tel arbitraire ; bien au contraire, on s’engage sûrement sur les pas de l’historien dès lors qu’on se persuade que pour servir le propos, seul un petit nombre des pièces du gigantesque puzzle des faits seront finalement mises en relief. Autrement dit, il faut peindre le motif sous un certain angle de vue, ou sous un certain éclairage. Il serait donc bien vain de vouloir motiver le choix de ce siècle en particulier, le seizième, à travers toute l’histoire musicale – si ce n’est qu’il s’insère ici dans une plus vaste entreprise, vouée entièrement à ce laps de temps. Notre ambition se résume plutôt à vouloir démasquer, derrière l’arbitraire de ce choix, les particularités et les traits singuliers de ce siècle, d’y côtoyer les grands maîtres de la musique de ce temps pour en rendre finalement les figures aussi familières que celles des LutherCharles Quint, ou Rabelais. La limite géographique que nous nous imposons, en n’effleurant que la musique française, relève d’un certain souci de concision, non dénuée toutefois d’une présentation assez explicite, d’un sentiment de proximité sans doute aussi ; si l’intérêt se manifeste, le voyage pourra bien sûr se poursuivre un peu plus loin encore.

Quant à l’éclairage, nous avons choisi pour parcourir cette “tranche” musicale du XVIème siècle, la faible lueur d’un moment joyeux de simple érudition. Notre approche ne cherche pas l’analyse systématique, qui serait d’ailleurs hors de la portée du simple “amateur” que nous sommes ; les jalons de ce parcours initiatique (il l’a du moins été pour nous !) s’en trouvent donc considérablement restreints. Pour le lecteur avide d’en savoir encore davantage, nous conseillons qu’il se reporte à l’excellent ouvrage d’histoire de la musique, qui nous a servi de précieux guide pour l’écriture de cette petite histoire : Histoire de la musique, tome I : Des origines à Jean-Sébastien Bach, sous la direction de Roland-Manuel, Encyclopédie de la Pléiade. Bien entendu, nous encourageons vivement l’écoute : divers ensembles et interprètes de qualité, dont le nombre est croissant – témoin de la joie que ceux, musiciens ou musicologues découvrant ou redécouvrant le répertoire, n’ont de cesse de faire partager, – ont enregistré un bon petit nombre des oeuvres de ce siècle. Même s’il reste bien modeste au regard des répertoires ultérieurs (dont certains, surtout à compter du XVIIIème siècle, sont sans doute surreprésentés sur le marché du disque), il devrait laisser un choix appréciable au mélomane curieux.

Il s’avère que les convives de la Renaissance en Italie appréciaient la petite musique durant leurs fêtes. Et ils gardaient leurs partitions musicales « notées » sur un endroit inattendu – leurs couteaux. Cela signifie que, au-delà de la découpe de la viande, cette coutellerie avait aussi son usage pour assurer le divertissement du soir.

Chaque côté de la lame a des notations musicales, exploitant au maximum la surface. Et chaque couteau représente un couplet pour un chanteur. Ainsi, un ensemble complet de couteaux se rassemble pour créer un chœur harmonieux. Un côté comporte une déclaration de grâce, et l’autre une bénédiction à chanter à la fin du repas. La grâce se lit ainsi: « La bénédiction de la table. Que Dieu bénisse ce que nous allons manger. » Sur le côté opposé de la lame, la bénédiction déclare: « La parole de la grâce. Nous vous remercions Dieu pour votre générosité.  »

Source